Ella
Il y a probablement des raisons pour lesquelles beaucoup d’aidants ne se reconnaissent pas dans le terme « aidant ». L’une d’elles pourrait être que souvent, dans l’esprit des gens, aider c’est aimer. Vous avez peut-être entendu parler des 5 langages d’amour, issus de la culture populaire anglo-saxonne : Les paroles valorisantes, les moments de qualité, les cadeaux, les actes de service et le contact physique. Vous avez remarqué ? Les actes de service – l’aide, donc – sont considérés comme un langage d’amour. Mais est-ce vraiment le cas ? Quand est-ce qu’on dépasse l’amour et qu’on entre dans l’aide ?
Dans l’approche médicale, on a l’habitude de suggérer que si une situation est trop douloureuse, trop singulière et/ou trop longue, alors elle est problématique. Je suppose que c’est aussi le cas pour l’aide : Quand elle devient trop douloureuse et/ou qu’elle dure trop longtemps, alors on peut estimer que cette aide est anormalement importante. C’est d’autant plus le cas quand l’aide apportée est singulière : Si on se trouve dans une situation rare, le nombre d’interlocuteurs qui pourront sincèrement comprendre de quoi on parle diminue grandement. C’est sûrement la raison pour laquelle de nombreuses fois, je souffrais de ma situation d’aidance alors que j’exprimais mes difficultés à mes proches, parce qu’ils ne pouvaient pas comprendre exactement ce que je vivais.
Le rôle d’aidant peut être particulièrement isolant parce que nos problématiques semblent appartenir à un autre monde. Nous ne sommes pas porteurs de handicap, ni de pathologies. Nous ne sommes pas non plus comme nos pairs à qui on demande « juste » de mener à bien leur vie. Entre la santé et la maladie, on flirte avec la limite, nos limites parfois. On a un nom mais on le refuse, par pudeur, par incompréhension peut-être.
Et l’amour, c’est quoi ? Pour moi l’amour, ce sont les fortes émotions qui nous lient aux autres, qui donnent du sens à nos actes et l’envie de les perpétuer. C’est ce qui pousse à toujours faire à manger pour deux, à faire preuve de tendresse, à sourire non pas pour rien, plutôt pour tout. Et l’amour m’apporte la proximité et la motivation nécessaires pour être aidante. Mais je sais que je ne peux pas expliquer directement mes actions d’aide par l’amour.
L’amour, ça ne devrait pas être le fait de penser à lui quand je suis en cours, avec inquiétude plutôt que tendresse.
L’amour, ça ne devrait pas être le fait de lui en vouloir quand il ne souhaite pas apprendre à se débrouiller et de m’en vouloir d’avoir insisté, parce que je sais. Je sais très bien ce qu’est l’épuisement, il le ressent comme moi, à différents niveaux.
L’amour, ça ne devrait pas être de toujours songer à quel point il souffre de ne pas être comme les jeunes hommes de son âge.
L’amour, ça ne devrait pas être le fait de parler de ses traitements médicamenteux et trembler de peur en sachant que ça lui ronge littéralement le cœur et la mémoire.
Malgré tout ça, l’amour est pour moi une sorte de moteur à l’aidance. Il y a beaucoup à construire dans cette double relation et l’aidance, malgré les difficultés qu’elle occasionne, peut enrichir la relation d’amour. Quand on aime une personne porteuse de handicap, les deux arrivent souvent ensemble. Et chaque fois que je me sens épuisée, je me rappelle pourquoi je l’aide : Je crois qu’il ne m’est jamais arrivé d’aimer autant quelqu’un.
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